Nous ne sommes pas qui nous croyons être, alors que suis-je?

Les certitudes sur notre propre identité s’effondrent. Les neurosciences confirment que ce « moi » (le personnage que nous croyons être) est une construction. Le cerveau construit des mondes (des scénarios, des films). Et parmi les nombreuses illusions que génère cette construction, il y a la représentation de soi-même. Chacun a ainsi l’impression d’être une unité compacte et indissociable : un « moi », avec son nom, sa mémoire, sa personnalité, ses actes…
Les impressions, les sensations, les pensées ne disent pas la vérité, elles n’ont pas de réalité. Tout parait vrai et pourtant il n’y a rien de vrai. Même s’il y a l’impression d’un « moi » il n’y a pas de « moi » qui pilote l’organisme (le corps physique). Il n’y a pas de « moi » auteur des pensées, paroles, actions. Il n’y a personne qui décide. Il s’agit d’une illusion d’optique de la conscience.

De même, la perception du monde n’est qu’une hallucination. Des mondes sont construits sur la base de deux éléments qui se mélangent dans le cerveau. Il y a, d’une part, des a priori sur le monde, issus des connaissances et des expériences passées (et principalement hérités des générations antérieures). D’autre part, il y a les messages perçus par les sens. Les deux se mêlent, créant une perception du monde.
Une histoire apparaît. Le personnage peut y croire, être emporté, déporté, chaviré, en souffrir.

Une autre croyance persistante est le dualisme; l’impression qu’il existe deux types d’objets de substance très différente : les choses ordinaires concrètes, et puis les choses de l’esprit. L’impression de se percevoir et l’impression de percevoir autrui. L’impression d’être animé par des idées, des désirs, des espoirs, des sentiments… et d’être une essence à part. L’impression du bien et du mal, du matériel et de l’immatériel, du visible et de l’invisible.
Et pourtant, il n’y a aucune séparation, aucune discontinuité. Il s’agit d’un TOUT, de la même source d’énergie. Tout est UN.

L’histoire vient créer la pensée de manquer, la pensée d’être séparé. La souffrance apparaît, puis la recherche commence afin de remédier à cette souffrance. La recherche dans le futur du bonheur, du bien-être, de l’amour, de la paix, de la joie.
Croire que la paix et la joie ne sont pas déjà là est le piège. L’espoir (d’un avenir meilleur) est l’enfer car c’est le rejet de CE QUI EST.
L’activité de recherche est la névrose, c’est la séparation, la dualité.

Lorsqu’il n’y pas d’histoire, il y a plénitude, c’est à la fois vide et plein, c’est ce que les bouddhistes appellent la vacuité.
C’est CE QUI EST.
Et il n’y a que CE QUI EST.
CE QUI EST n’est pas conscient, IL EST.
JE SUIS CE QUI EST, sans âge, sans histoire, sans passé, sans futur.
La totalité du temps et de l’espace hors temps et hors espace.
Je suis ce qui perçoit le silence vivant.
Je suis antérieur à l’apparition de tout ce qui est connu.

Le passé et le futur n’existent pas. Il n’y a que l’instant et il a toujours été là.
A chaque fois que quelque chose (une sensation, une perception, une pensée du passé ou du futur) apparaît, c’est au sein de l’instant. Et de ce point de vue, tout est toujours parfait, tout est toujours à sa place.
CE QUI EST se contemple. CE QUI EST ne se connaît que par ses reflets et un reflet n’a pas de densité, pas de réalité.
CE QUI EST ne peut se connaître que par la manifestation. Rien n’est connu sinon par l’image, par le reflet.
JE SUIS CE QUI EST et qui rêve de « moi » et de tous les autres.
Il n’y a que UN et ça joue, ça se regarde, se découvre, se contemple.

Notre nature est accueil, paix, joie, amour.
Incarner notre nature. Incarner ce qu’on est.
L’éveil est de réaliser qu’on n’est pas ce qu’on croyait être. Le « moi », le personnage n’est pas ce que tu es.
C’est réaliser qu’on est ce qu’on a toujours cherché.
Tant qu’il y a des conditions au bonheur, le bonheur est conditionné, il est conditionnel, il ne peut pas être définitif.
JE SUIS le bonheur.
Là, il n’y a plus de désir, plus de manque.
Il n’y a plus de résistance. Et s’il y a résistance, elle est accueillie, on lui dit oui, car elle fait partie du tout, et elle a sa place. Il y a acceptation complète.
La paix est derrière la fin de l’histoire.

Caroline Karout


Pourquoi tant de peurs et si peu d’indulgence envers soi-même?

Il existe en chaque être humain un poison commun: le rejet de soi.
Avez-vous déjà observé : quel est l’être avec lequel vous êtes le plus exigeant, le plus dur dans vos jugements, celui qui reçoit la plus forte pression, dont les actions ou non actions sont jugées, ressassées, regrettées. Avez-vous déjà remarqué que le même comportement chez autrui retiendra à peine votre attention, alors que pour votre propre personne il entrainera une rumination mentale avec une ribambelle d’émotions de culpabilité, de remords, de frustration.
Pourquoi si peu d’indulgence envers soi-même?


Peut-être vous souvenez-vous : vous êtes nés innocents. Jusque l’âge de trois ans environ, votre vitalité, votre enthousiasme à découvrir le monde était sans borne. Vous étiez authentiques, en perpétuel changement, et vous adaptant naturellement au monde. Rien ne vous arrêtait, le concept de confiance en soi ne vous effleurait même pas l’esprit.
Vous n’aviez pas de filtre, vous exprimiez spontanément vos pensées et vos émotions. Vous étiez plein d’admiration pour vous-même, égocentrique, vous étiez le roi. Vous étiez pleinement vous-même. La vie s’exprimait simplement à travers vous, et cela procurait de la légèreté et de la joie autour de vous.
Vous ne vous sentiez pas seuls, pas abandonnés, il n’y avait pas de peur, peur de ne pas être considérés, reconnus, appréciés, d’être mis à l’écart du groupe, rejetés. Pas de peur de blesser l’autre par vos mots, ou vos comportements.
Que s’est-il passé?

L’histoire qui vous a été contée depuis votre naissance est devenue votre personnalité. Elle vous a enfermé dans des croyances qui ont façonné votre réalité.
Vous avez commencé à vous sentir une personne à part entière, une personne séparée des autres, séparée de tout. Vous avez commencé à avoir peur, peur d’être seul, peur d’être abandonné, peur de souffrir.
L’héritage trans-générationnel psychique et émotionnel des deux lignées familiales a installé son programme tel un logiciel dans un espace disponible. Tout cela a fini par vous figer dans des croyances, des habitudes, des comportements. Cela vous a défini et limité.

Pour quelques miettes d’amour, de reconnaissance, de considération, d’appartenance au groupe familial ou social, vous avez commencé à vous mentir à vous-même. Vos aspirations et vos rêves ont été étouffés.
Votre mental déchiré par la dualité, a tenté en vain de bannir certaines émotions.
De libres, vous êtes devenus mendiants. De vivre pleinement, vous êtes entrés en mode survie, tels des robots.
Il fallait se plier à la raison, aux règles sociales et renoncer à vos besoins profonds.

Tout n’est pas perdu loin de là. Il y a une issue et c’est le moment.
Reconnaitre le « jeu » de la conscience est la première étape.
La première étape vers la libération.
Ouvrir les bras à la peur d’être rejeté, la peur d’être soi, la peur de vivre.
L’observer. L’accueillir.
Etre doux avec soi. Etre bienveillant. Comme vous le seriez avec un enfant.
Se pardonner de se rejeter.
Se pardonner de se haïr.
Se pardonner sans réfléchir, la réflexion empêche le pardon.
Se permettre de remplacer la raison par l’intuition.

Laisser cet être humain tranquille. D’ailleurs, la plus belle preuve d’amour que l’on puisse offrir à l’être aimé, n’est-elle pas de lui permettre de se livrer à l’égoïste tranquillité?

Caroline Karout